Quelques pensées sans prétention sur l'open world d'Elden Ring.


Le texte spoil assez peu, si vous avez fait 2 runes, ça devrait être bon !

J'ai envie de me pencher sur la structure de son open world et comment il répond, à sa manière, à une problématique centrale du genre : harmoniser le monde avec la progression du joueur ou de la joueuse.

Fondamentalement, on est sur une structure assez classique d’open world : une quête principale en plusieurs étapes, une exploration libre avec un découpage de la carte en zones qui contiennent des ennemis plus ou moins forts, des activités avec de l'xp et du loot à la clé (camps d'ennemis / ruines, cavernes, mines, catacombes, tombes de héros)...

Alors d’où vient ce vertige de l’exploration ?

Il y a déjà le choix de la map. Masquée au départ, elle se dévoile à mesure qu’on en trouve des morceaux. Pour l’instant c’est littéralement la formule des tours Ubisoft qu’on retrouve dans Breath of the Wild ou Horizon (mais pas les Assassin’s Creed récents, ironiquement). Mais la taille de la map n’est pas visible tant qu’on n’a pas dépassé les frontières connues.

Et à chaque fois qu’on progresse, on réalise. On assiste au dézoom progressif de la carte, on se dit que ça va se calmer. On se retrouve dans Caelid sans avoir rien demandé, on se dit qu’on y retournera après le boss de Voilorage. Puis on découvre une zone souterraine, OK la surprise à la Skyrim ça fait toujours un effet dingue, je reviendrai. Et là on bat Godrick avant de se retrouver devant Lirunia… J’en ai discuté avec 2 personnes qui ont fait la même chose que moi à ce moment-là : demi-tour. On n’était pas prêts pour autant de contenu.

Et pour moi les téléporteurs / coffres piégés sont peut-être la meilleure idée du jeu. Je pense que d’autres gens que moi ont vécu cette histoire : après plusieurs heures de jeu, je me balade dans la première zone et me retrouve face à un dragon qui n’était pas au programme. Je m’enfuis dans des ruines pas loin et me retrouve dans une mine à l’autre bout de la map (c’est ce que je croyais à l’époque). Je décide de rentrer à cheval pour voir un peu la zone et me voilà à Caelid. La mare de pourriture, le ciel rouge, la musique ultra oppressante… J’avais déjà oublié le dragon.
Ça continue avec un coffre dans le sud qui nous envoie à la capitale et on se dit que c’est à la fin du jeu, il y a aussi un téléporteur à Liurnia qui nous explore la rétine... J’étais pas prêt pour autant de contenu.

Comment on nous fait naviguer dans cet océan ?

Le jeu suggère via certains sites de grâce la direction à prendre pour la quête principale dans chaque zone et c’est tout. On pense forcément à Zelda et son fameux “abattre Ganon” qui s’affiche à la fin de son long tutoriel, mais surtout aux 4 créatures divines qui vont constituer nos missions principales.

Et ces 2 jeux présentent dès le début des objectifs clairs et lointains pour établir leur recette miracle : nous laisser nous fixer nos propres objectifs secondaires dans un monde qui suscite notre curiosité.

Tout le monde l’a remarqué : la carte n’est pas remplie de points d’interrogation comme un Witcher 3 ou Horizon. Elle n’est pas vide non plus, elle suggère beaucoup avec très peu : des formes vaguement géométriques doivent être un bâtiment, cette couleur ça doit encore être un marais, ici un Arbre-Monde… Mais contrairement à un Zelda qui ne marque que les points de téléportation, Elden Ring affiche en plus une icône une fois qu’on a visité une ruine, une caverne, une église… Ce qui donne une carte finalement assez chargée, mais l’important c’est d’avoir eu envie d’y aller avant de savoir ce que c’était.

Le jeu emprunte à Breath of the Wild quelque chose qu’il fera énormément : rendre des points d’intérêt visibles mais surtout accessibles d’ici ou d’ailleurs. On se balade et ça n’arrête pas. Le jeu multiplie les reliefs et actionne cette petite zone de notre cerveau qui se demande ce qu’il y a derrière ces obstacles et dans ces bâtiments qu’on voit germer partout.

Évidemment, c’est pas les seuls jeux à le faire, mais ce sont probablement ceux qui le font le mieux avec cette liberté de choix. C’est l’occasion de rappeler une chose qui paraît évidente : tout le monde n’a pas joué à botw. C’est une exclu Switch / Wii U et plein de gens vont prendre cette claque avec Elden Ring. Et c’est normal.

Elden Ring suscite aussi plusieurs fois nos sens : nos oreilles servent à trouver les bousiers qui se cachent et même certains PNJ (elle peuvent aussi aider à repérer le bon garçon dans le combat contre Renalla). Nos yeux se fixent sur des chandeliers fantômes avant de pister des empreintes de pas, on suit des repères lumineux dans un blizzard, on détecte une présence invisible…

A chaque fois qu’on fait une chose, on veut en faire 3 autres. Et comme dans Zelda, on va pouvoir accrocher nos petits pin’s sur la carte pour le nous du futur qui retrouvera sans peine un marchand, un mausolée ou un téléporteur (ou qui maudira le nous du passé pour ne pas savoir choisir entre un coffre et un diamant pour symboliser un vendeur).

Mais au-delà de voir une chose et de s’y rendre, le jeu peut nous impliquer à un niveau qu’on connaît bien des jeux From Software. Chaque zone a une histoire et des habitants plus ou moins monstrueux qui lui sont associés, et la présence de tel personnage à tel endroit, c’est rarement voire jamais anodin.
En tant que mec qui a terminé le jeu hier et rien compris à l’histoire, je vais pas faire genre tout tombe sous le sens, mais ayant pu constater cette cohérence dans les soulsbornes et Sekiro, j’étais particulièrement attentif à qui était où et traçais régulièrement des liens entre les zones par les migrations de ses occupants (les cleanrot knights, les marionnette soldiers, les servant of rot…). Chaque nouvelle zone, en plus d’être un immense plaisir esthétique, est l’occasion de relier des points de lore grâce à nos observations.

On peut aussi noter que le jeu rend l’exploration plaisante ou la cadre avec plein de petites idées cools et parfois complètement arbitraires : le cheval qui apparaît directement sous nos fesses, les statues de Marika qui servent de checkpoint, pas de stamina utilisée hors des combats, régénération des flasques pour nous inciter à continuer, zones où on peut se servir de la cloche, zones où le cheval est interdit parce que Ta Gueule C’est Magique…

Et du coup, comment Elden Ring gère notre progression ?

Quand un jeu propose beaucoup de quêtes annexes avec du loot et/ou de l’xp à la clé, c’est compliqué de rendre la route principale aussi intéressante pour tout le monde, notamment en terme de challenge. Witcher 3 et botw sont assez faciles si on a beaucoup exploré.

Même si c’est pas forcément un danger pour la fin de l’expérience, les deux jeux cités ont d’autres force qui nous tiennent en haleine, ça reste un problème avec plusieurs solutions : Les elder scrolls vont faire monter le niveau des ennemis en même temps que nous, un Golden Sun va faire des boss annexes plus durs que les principaux et un Assassin’s Creed (récent) va découper le monde en zones avec un niveau d’xp affiché : si on est un peu trop en dessous, on va se casser les dents.

Et ce système de zones, c’est ce que fait Elden Ring sans nous le dire. C’est à nous de constater que Caelid, c’est pas pour tout de suite même si c’est à côté. Le jeu va aussi ponctuer notre progression de pierres de forge ou de muguet plus ou moins qualitatifs en fonction de la zone où on les trouve (hors certaines récompenses).

Par contre, là où le jeu pousse vraiment l’idée, c’est en nous mettant de gros murs pour confirmer qu’on a bien le même niveau. Soit on a déjà bien exploré (ce qui veut aussi dire battre les ennemis et les boss des cavernes / mines / catacombes…) et on a à peu près le niveau, soit ça va nous pousser à l’exploration. En tout cas, c'est le pari d’Elden Ring.

Avec Margit, le jeu nous fait vite comprendre que ça va cogner dur. Mais on dispose déjà de plusieurs invocations qui peuvent beaucoup faciliter le combat. Par contre, j’attends de voir comment vont réagir les gens qui n’explorent pas beaucoup et jouent un style corps à corps vers la dernière partie du jeu. Les murs de difficulté montent assez haut, surtout en quantité de dégâts infligés. Personnellement je prends le plus de plaisir en jouant corps à corps et sans invocation, mais ça s’est fait au prix de beaucoup d’exploration (j’ai terminé en 95h au niveau 162). Tant que je voulais ratisser les zones, tout se passait bien, mais j’aurais eu plus de mal si j’avais eu la flemme de faire une énième caverne. Je comprends les gens qui n’ont pas envie d’en faire autant, c’est un jeu qui tient difficilement la longueur sur pas mal d’activités annexes.
D’ailleurs le système de récupération de runes vient créer des émotions assez différentes : un coup ça nous “oblige” à retourner dans une zone alors qu’on aimerait aller ailleurs -ce qui est frustrant pour un explorateur, un coup on se sent libéré quand on a tout perdu parce qu’on peut aller où on veut sans conséquence.

Les boss servent à s’assurer que les grands explorateurs ne trouvent pas l’expérience trop évidente pour un “Souls en open world”. La contrepartie est de bloquer les personnes les plus pressées mais les inciter au farming en leur offrant un vaste monde qui satisfera au mieux leur curiosité. La conséquence est aussi qu’à terme, on fait plus seulement de l’exploration mais aussi des expéditions où l’objectif est autant de dévoiler du terrain que de gagner des runes.

En tout cas sur Steam, 34% des joueurs ont battu Radhan et 33% ont battu le boss de fin de Dark Souls 3. Je trouve ça énorme vu la jeunesse du titre et le temps que ça demande, mais on verra comment ça évolue entre ceux qui continuent de jouer et ceux qui achètent et abandonnent.

Il y a plein d’autres choses à dire sur le jeu, on en parlera sûrement plus en détails un jour dans Fin Du Game, mais j’avais envie de me concentrer sur son open world :).

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