Je suis Bien Dans Ma Thèse mais je veux aussi parler du négatif, et ça dérange.


Si je fais ce thread aujourd'hui, c'est parce qu'il s'est produit quelque chose hier qui, avec du recul, me semble inapproprié et assez révélateur de notre environnement dans la Recherche académique en tant que doctorant-es.

Tout est parti de ce tweet : https://twitter.com/BienDansMaThese/status/1479503822926004227 où j'ai répondu "Merci" à une des interlocutrices avec qui je partage son point de vue. Comme le résume très bien Damien @DamienPetermann https://twitter.com/DamienPetermann/status/1479621448461434884, cette semaine, nous avons eu deux enquêtes parlant des doctorant-es et de leur environnement dans l'ESR. Le "problème" aux yeux de certaines personnes, c'est que ces enquêtes étant pour elles diamétralement opposées, dérangent.

D'une part, nous avons une enquête qui manque globalement de nuance dans les explications de certains résultats et qui met en avant dans la majorité du document le positif, tout en discutant sans vraiment apporter ou proposer de solutions précises. D'autre part, nous avons une enquête difficile à lire, certainement plus proche de la réalité puisqu'elle met en avant de vraies paroles de doctorant-es. Les questions posées ne sont pas "floues" et la parole est libérée. Je tiens également à rajouter que dans cette deuxième enquête, il y a aussi des choses positives et la personne responsable de cette enquête déclare avoir globalement aimé son doctorat.

Si je vous parle aujourd'hui, c'est parce qu'ayant relayé cette deuxième enquête et mis en avant les propos associés, une personne en charge de la vie doctorale d'une grande institution est venu dans mes DMs. J'ai décidé de prendre la parole, car ne voulant pas faire carrière académique, je sais que cela ne pourra pas avoir de répercussions sur mon avenir, mais je réalise que si j'avais vraiment aimé faire carrière académique, peut être que ma prise de parole aujourd'hui me couterait chère, en tant que jeune doctorante, et ça, ce n'est pas normal déjà.

Cette personne est venue me dire qu'il fallait arrêter de "Si les doctorants eux-mêmes viennent dire que tout est à jeter [...] Comment voulez-vous qu'on y arrive [...] c'est contre productif [...] que les CSI sont là pour nous aider et qu'ils sont très bien fait, même mieux que dans le privé, les relations en entreprise sont aussi asymétriques [...] même si c'est améliorable c'est bcp mieux qu'en industrie [...],les chefs toxiques sévissent partout, mais ce n'est certainement pas pire à l'université et je pense que c'est plutôt moins pire [...]"

Ce à quoi j'ai répondu que, pas de chance, j'étais certainement la première à parler en bien du Doctorat. Pour celles et ceux qui me suivent depuis longtemps, vous le savez très bien. Je suis fière de valoriser le Doctorat à ma toute petite échelle et de donner envie de se lancer dedans. J'ai la chance de vivre très bien cette expérience, d'avoir une équipe bienveillante et je reconnais tous les bénéfices que cette expérience humaine et professionnelle m'apporte. Si bien, que depuis la création de Bien Dans Ma Thèse, la plupart des reproches que j'ai reçus est le fait de justement trop mettre en avant le positif. Lorsqu'on me faisait ses reproches, je me sentais assez mal, limite à me demander si j'étais finalement légitime pour parler du Doctorat, car oui, j'avais la chance de bien le vivre et d'être très bien entourée. Je me suis posée la question plusieurs fois de tout arrêter à propos de "Bien Dans Ma Thèse" et de laisser la parole sur les réseaux sociaux plutôt aux personnes qui dénoncent l'ESR et qui font remonter toutes les choses inadmissibles. Et puis, il y a eu ce jour, où sur LinkedIn j'ai réagi concernant le fameux discours "Un bon doctorant est un doctorant déprimé" https://www.linkedin.com/posts/mathilde-maillard_ce-genre-de-discours-ne-devrait-plus-exister-activity-6719025047048081408-63eq. Bien sûr, ce post a fait énormément parlé. On m'a accusé de diffamation, et comme par hasard, la personne dans mes DM avait aussi réagi à ce poste ce jour-là.

Là où je veux en venir c'est que depuis ce jour-là, j'ai pris conscience que oui, je prône le positif autour du Doctorat. Je ne cache pas mes partenariats avec notamment la BPI pour mettre en avant d'autres débouchés que la carrière académique. Enfin, je suis fière de participer à diverses tables rondes pour parler de mon expérience. Toutefois, j'ai aussi choisi de dénoncer, j'ai aussi choisi de soutenir si possible mes camarades. Je sais très bien qu'on pourra toujours me reprocher de ne pas être légitime à prendre la parole pour dénoncer, ayant eu un contrat doctoral, ayant un bon encadrement, une bonne situation. Mais je continuerai quand même de le faire. Je continuerai de me battre pour changer les choses. Et contrairement à cette personne qui est venu me dire que pour changer les choses il faut arrêter de "dire que tout est à jeter à tout va", je continuerai de parler de la réalité, qu'elle plaise ou non. Oui il y a des thèses très bien, mais il y a aussi des doctorant-es en dépression (coucou les x enquêtes), il y a des abandons (et non par acte de feignantise cc Jean-Moulin-Lyon-3 https://www.linkedin.com/posts/mathilde-maillard_il-est-vrai-que-la-pr%C3%A9carit%C3%A9-des-%C3%A9tudiant-es-activity-6838765239127818240-YKPp), il y a des doctorant-es en situation très précaire, seuls pendant tout leur doctorat. Que ça plaise ou non, l'ESR est responsable de cette situation pour des milliers de doctorant-es. Que ça plaise ou non, les représentant-es et autres associations, initiatives, continueront de dénoncer jusqu'à ce que ça change réellement.

Je fais ce message, car je n'ai pas peur de ce qui en découlera même si la personne dans mes DMs est à un poste important. Je continuerai de parler du Doctorat comme la plus belle expérience que j'ai eue personnellement, mais d'en parler également comme un système qui broie certain-es de mes camarades. Il faut que cela cesse.

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