Bilan - une semaine après mon agression


Salut tout le monde !
Ceux qui suivent mon fil d'actualité twitter, ou qui, tout simplement, me connaissent, savent ce qui m'est arrivé dimanche 20 septembre : derrière la Part-Dieu, alors que j'étais seule, un homme est venu m'agresser sexuellement en tentant de m'entraîner dans un coin sombre. Malgré la panique, j'ai eu quelques bons réflexes, comme le fait de ne pas me laisser immobiliser, de soutenir le regard de l'agresseur, ou d'aller vers un passant pour être accompagnée après l'agression.
Mais même si le pire avait été évité, j'étais dans un état pas possible. J'ai appelé ma mère en larmes, qui m'a conseillé d'appeler la police. Une patrouille, composée de deux hommes et d'une femme, est venue chez moi pour que je raconte ce qui m'était arrivé, et pour récupérer mon pantalon au cas où il y aurait eu des traces d'ADN dessus.
J'ai passé une nuit dégueulasse.
Dès que j'éteignais la lumière, je voyais son visage, et j'avais peur. J'ai fait une crise de panique à 2h du matin, et il a fallu trois quarts d'heure à un ami pour me calmer.
Le lendemain, j'ai vu un médecin qui m'a precrit dix jours d'arrêt maladie. J'étais en petits morceaux. A l'heure où je vous parle, j'ai perdu deux kilos, même si j'arrive de nouveau à manger.
Le mardi matin, je suis allée porter plainte, pour que les choses n'en restent pas là. L'après-midi, je partais pour le sud de la France pour passer quelques jours chez mes parents.
Pendant six jours, je me suis petit à petit rétablie. J'ai fait plein de petites choses dans la maison, et j'ai beaucoup joué à la console, parce que rester inactive faisait que je me rejouais la scène dans ma tête. Je commençais aussi à me dire "j'aurais dû faire ça, réagir comme ça"... et c'est jamais bon.
Je sais bien que mes détracteurs attendent fébrilement la sortie de chacun de mes Pavés dans la Mare pour se précipiter dans les commentaires et me traîter de féminazie, de malbaisée, de frustrée, de paranoïaque, et j'en passe ; et j'imagine bien que ce que je vais dire va ajouter de l'eau à leur moulin, mais je persiste et signe : je ne me sens pas en sécurité dans la rue.
Mon agression n'avait rien à voir avec ma tenue : j'étais habillée comme un sac (comme un dimanche soir en fait). Je n'envoyais pas de "signaux" aux hommes. Éventuellement, le seul que j'envoyais avec mes écouteurs vissés dans les oreilles et mon pas rapide, c'était "foutez-moi la paix". Je n'ai pas été hésitante quand l'agresseur est venu me parler : j'ai clairement dit que je n'avais pas envie de parler avec lui, tout en soutenant son regard et en maintenant l'allure.
Ce qui m'est arrivé n'est pas à mettre sur le compte de ma tenue, de mon comportement, ou de pseudo-signaux magiques qui auraient autorisé cet homme à venir m'agresser sexuellement. C'est arrivé à cause d'un agresseur. Point barre.
Après l'agression, j'ai vu un homme qui se dirigeait vers moi, distrait par son téléphone. Je me suis dit qu'il ne fallait pas que je reste seule. L'homme, la vingtaine, a vu que j'étais mal, et a demandé si je voulais qu'il me raccompagne jusque chez moi. Pas du tout rassurée à l'idée de rentrer seule, j'ai accepté, il m'a déposé devant mon portail, puis est rentré chez lui.
Si cet homme n'avait pas été là, je ne sais pas comment j'aurais fini. Et je préfère ne pas me poser la question. Toujours est-il qu'en l'espace de trois minutes, j'ai rencontré un connard, et un mec génial.
Et c'est de ça dont je voudrais parler.
Une agression sexuelle peut arriver à tout moment à une femme, et n'importe où. Dans le cadre familial, du couple, en ville, la journée, le soir, dans une ruelle sombre, dans une grande surface bien éclairée... Partout. Et à n'importe quel moment. Et ça n'arrive pas qu'à des jeunes filles bien maquillées avec une minijupe ras le bouton de rose ; les hommes agressant des femmes (car oui, ces situations sont causées dans une écrasante majorité par des hommes sur des femmes) le font parce qu'ils sont des agresseurs. Ca arrive le plus souvent à des femmes seules, c'est-à-dire, dans leur esprit, à des proies faciles. A des personnes qui auront peut-être trop peur pour crier en cas d'agression ; qui n'auront personne pour les aider à se sortir de là ; qu'il est plus facile de dominer physiquement et psychologiquement quand elles sont isolées. Mettez-vous bien dans la tête que les victimes n'ont aucune responsabilité dans leur agression ; celle-ci n'est dû qu'à la lâcheté d'un ou de plusieurs crétins.
Messieurs, soyez attentifs.
Ca ne vous coûte pas grand-chose de jeter un oeil dans le métro pour voir si une agression n'arrive pas sous vos yeux sans que vous ne la voyez. Ne vous fiez pas aux voix basses : une agression, ça peut être une esclandre, comme ça peut être un homme qui murmure des insultes et des menaces à une femme trop paralysée par la peur ou trop gênée pour répondre. Des éclats de voix dans une petite rue, ça peut être une dispute de couple, comme ça peut être une tentative de viol.
Intervenir lors d'une agression, ça ne veut pas dire taper avec ses petits poings sur l'agresseur, hein ; il y a plusieurs manières d'intervenir. La plupart du temps, la seule irruption d'une tierce personne suffit à déstabiliser l'agresseur, ce qui permet de demander à la victime si elle veut descendre au prochain arrêt, ou de demander à son agresseur de se calmer et d'arrêter. Je ne rentre pas dans le détail, mais si vous voulez savoir quoi faire si vous êtes témoins d'une agression, allez jeter un oeil sur le site du Projet Crocodiles, il y a tout plein de conseils qui peuvent servir à tout le monde.
En tant que femme, il m'est déjà arrivé d'intervenir lorsque je voyais des agressions en ville. L'an dernier, je me suis interposée physiquement dans un couple où l'homme battait en pleine rue et en plein jour la femme. Ca n'a rien résolu en profondeur, je ne sais pas si elle est restée avec son copain ou si c'était l'électrochoc dont elle avait besoin, et je ne le saurai probablement jamais. Mais j'ai agi, et je ne le regrette pas.
Si vous assistez à une agression mais que vous ne réagissez pas de quelque manière que ce soit, ce n'est ni plus ni moins que de la non-assistance à personne en danger. Alors, oui, ça peut faire peur. On peut se dire que ce n'est pas notre rôle. Que c'est peut-être juste une dispute de couple. Mais dans la mesure où ça se déroule dans le cadre public, vous êtes impliqué malgré vous, et vous vous devez d'intervenir.
Avant qu'on ne m'en fasse la réflexion, je ne suis pas là pour dire que c'est aux hommes de nous défendre parce que nous sommes de petites choses mignonnes et fragiles. Simplement, dans la mesure où les hommes ne sont quasiment jamais concernés par le harcèlement de rue et les agressions sexuelles, ils n'y prêtent pas forcément beaucoup attention. Avec les années, j'ai appris à reconnaître une situation critique, qu'elle me concerne ou non. Mais je sais aussi que c'est plus compliqué pour un homme d'appréhender les agressions parce qu'il ne se sent pas en danger.
Pour ma part, je n'ai pas encore assez confiance en moi pour sortir à nouveau le soir. Mais j'ai pris la décision, dans trois semaines, de participer à un cours de self-défense à Lyon. C'est réservé aux femmes, et une partie devrait être consacrée à la gestion du stress en cas d'agression. J'ai déjà réservé mon samedi, je n'attends plus que l'ouverture des inscriptions. Je ferai passer les informations du cours dès que possible sur Twitter au cas où des lyonnaisses voudraient comme moi reprendre confiance en elle et se sentir en pleine possession de leurs moyens.
Il est nécessaire que nous soyons solidaires.
Il est hors de question que j'aie peur de sortir de chez moi ou que je m'empêche de vivre ma vie à cause d'un lâche. Je vais apprendre à me défendre plus efficacement, et surtout, à gérer mon stress.
Et je vous garantis que si un autre glandu essaie de m'entraîner dans un recoin sombre pour me violer, c'est lui qui aura besoin de voir un médecin.

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