Comment lire le tableau du Guardian sur la contagiosité comparée de l'Ebola


Lien vers le tableau :

http://www.theguardian.com/news/datablog/ng-interactive/2014/oct/15/visualised-how-ebola-compares-to-other-infectious-diseases

Il s'agit du rapport mortalité/contagiosité des principales maladies infectieuses.
Sur l'axe horizontal, on va du – contagieux (à gauche) au + contagieux (à droite). Les rhinovirus (qui donnent le rhume commun) sont plus contagieux que le H1N1, mais moins contagieux que les Rotavirus ("grippes intestinales") et la rougeole (Measles)
Sur l'axe vertical on va du – mortel (en bas) au + mortel (en haut). Le H1N1 est moins mortel que le choléra, qui l'est moins que la fièvre typhoïde, etc. On voit qu'en terme de mortalité potentielle, le virus Ebola se situe entre la tuberculose (qui est encore endémique dans beaucoup de pays émergents) et le VIH. Vous noterez que "mortel" ne veut pas forcément dire "spectaculaire". Une infection par virus Ebola est spectaculaire, en raison des saignements, mais le VIH non traité tue plus souvent, même s'il tue moins vite. Le champion de mortalité est la rage (Rabies), qui tue à tous coups mais n'est pas contagieuse d'humain à humain (il faut être mordu par un animal enragé). Idem pour la peste, qui est transmise par les puces de rats infectés (donc impossible à attraper quand les rats ne sont pas porteurs). Et elle n'est pas contagieuse entre humains.


Le tableau montre clairement que la dangerosité d'une maladie n'est pas nécessairement liée à sa contagiosité : il y a des maladies peu mortelles et (relativement) peu contagieuses (la grippe) ; des maladies très mortelles et pas plus contagieuses (le virus Ebola).

Le tableau montre aussi que la dangerosité n'augmente pas avec la contagiosité de la maladie, et c'est également logique : pour être très contagieux, un virus a besoin :
1° d'un mode de transmission simple ; le plus propice, c'est la salive, qui est transmis par la toux, la respiration ou l'éternument – de fait, le rhume est plus contagieux que le choléra ; la contagion par piqûre de moustique est plus efficace encore, c'est pourquoi la Malaria est aussi prévalente dans les pays tropicaux. Mais elle concerne un autre type de micro-organisme, le plasmodium falciparum, un parasite qui n'est pas un virus.

2° de provoquer une maladie bénigne ; si elle est mortelle tout de suite, le virus ne peut pas être transmis à d'autres sujets ; or, les virus ne survivent pas dans le corps des individus qu'ils ont tués. Et en dehors des charognards, tous les êtres vivants évitent de s'approcher des cadavres. C'est pour cela aussi que les diarrhées bénignes sont plus contagieuses que le virus Ebola : ceux qu'elles atteignent restent vivants et portent des virus après leur maladie pendant longtemps.

On voit aussi que l'infection qui a le plus grand rapport mortalité/contagiosité est la tuberculose, qui se transmet par voie aérienne (comme le rhume) ; elle était de fait la maladie la plus répandue avant 1950 et l'avènement des premiers antituberculeux. Mais elle est provoquée par une bactérie, non par un virus, et elle est curable (le rhume, lui, ne l'est pas : le patient guérit tout seul).

La mortalité indiquée est celle des adultes dans les pays développés ; elle est plus grande en pays émergents car la mortalité est plus importante quand on est dénutri ou déjà infecté par autre chose comme c'est le cas là-bas.

Pourquoi certains soignants venant de pays développés ont-ils été atteints ? Parce que que les soignants sont des humains comme les autres, même s'ils sont en bonne santé, ils ne sont pas immunisés contre tout. Le fait que ponctuellement des infirmières et des médecins aient été infectés n'a rien de surprenant : ils étaient au contact rapproché des patients. Ce qu'il faut se rappeler c'est que ce sont des cas isolés, ce qui témoigne du fait que la maladie n'est pas très contagieuse. Si elle l'était, un grand nombre de soignants seraient atteints. L'impact émotionnel de l'atteinte de ces soignants est grand parce qu'on est toujours plus affecté lorsque quelqu'un de proche est touché (un soignant occidental) et lorsqu'un professionnel est touché (on a tendance à les croire plus solides que les autres).



Que faut-il en conclure ?

1° qu'avant de céder à la panique, il est souhaitable de s'informer – et de demander aux journalistes de s'informer avant de nous inquiéter
2° que les discours visant à nous faire peur (la menace du H1N1, il y a cinq ans) ont pour objectif de nous vendre quelque chose
3° qu'étant donné la faible contagiosité la panique ne sert personne (pas même les industriels, qui n'ont rien à vendre) : en revanche, elle dessert l'Afrique en l'isolant. Or, les Africains (en régions d'épidémie, mais aussi ailleurs) ont besoin de l'aide des pays développés. Ebola ou non.

Marc Zaffran/Martin Winckler

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