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Gabon Résistant · @Fax1g

15th Sep 2014 from TwitLonger

#Gabon Lettre au Médiateur de la République @doubangar @ladvocatus @opgabon


LETTRE AU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE

Madame le Médiateur,

Je vous prie de bien vouloir excuser le caractère public et peu protocolaire de ma missive. Au-delà de l’institution que vous dirigez, je souhaite aussi prendre à témoin l'opinion nationale et internationale. C'est pourquoi, j'ai choisi ce canal pour m'adresser à vous afin de vous exprimer mes inquiétudes. « Si tu vois un orphelin bien chanter sa vie, c’est que la mort a commencé tôt dans sa famille », disait mon grand-père.

Le Gabon croule sous le poids de la crise politique. Jusque-là, aucune solution n’est envisagée pour réconcilier ses fils et filles, profondément divisés par des divergences de vue. Votre mission, aussi difficile soit-elle, consiste, entre autres, à rétablir la confiance rompue entre les personnes et groupes de personnes, à veiller à ce qu'il n'y ait pas davantage de frustrés, d'exclus, d'opprimés et des conflits fratricides. Il est temps que vous vous y atteliez. Mon aïeul disait : « C’est lorsqu’on peut encore fermer la plaie avec un seul doigt qu’on doit la soigner. »

Je voudrais attirer votre attention sur certains agissements qui, si l'on n'y prend garde, risquent de rendre notre pays ingouvernable. Madame le médiateur, la gouvernance d’un pays doit se faire sur la base du respect des règles élémentaires de la démocratie et de l'acceptation des uns par les autres, quelles que soient leurs différences idéologiques, ethniques ou religieuses. Ce qui n'est malheureusement pas le cas dans notre pays depuis l’arrivée au pouvoir du président Ali Bongo Ondimba et ses collaborateurs. Leur caractère vindicatif et violent de ses collaborateurs ne les prédispose pas à gouverner ce pays. « La femme agitée n’attrape pas une autre femme pour l’aider à accoucher », me rappelait mon papy.

La plupart des cadres de l'opposition ou de la société civile sont persécutés. Aujourd'hui, pour jouir d'une liberté apparente au Gabon, il faut désormais se taire ou dire du bien du régime actuel. Des grévistes sont dispersés violemment par la police et subissent des traitements dégradants. Le pouvoir instaure la terreur, menace les journalistes et pirate certains journaux. Il faut que cela cesse. Le Gabon n’est pas le titre foncier d’une famille ou d’un clan. Ces agissements peuvent nuire à tout le pays. Car, certains opprimés peuvent développer des moyens de défense aux effets dévastateurs. « Si tu mets la torture au feu, elle éparpille les braises », me faisait remarquer mon grand-père.

Depuis que messieurs Ernest Mpouho Epigat et Guy-Bertrand Mapangou, son acolyte, ont été bombardés respectivement ministres de la Défense nationale et de l’Intérieur, ils ont le sentiment d’être tout-puissants. Ils rivalisent d’excès de zèle, faisant de la persécution leur agenda existentiel, indécrottable et obsessionnel. Dites-leur que c’est de la méchanceté gratuite ! Ils n’ont pas besoin d’agir de la sorte pour régner. Mon aïeul estimait qu’« on ne creuse pas le trou de grillon avec un pilon. »

Il se susurre d’ailleurs que ces deux ministres planifient la repression d’éventuelles manifestations de rue. Ils auraient d’aulleurs été placés à ces deux postes pour faire la basse besogne dont leur chef les estime capables. Ils sont une réelle menace pour la paix sociale dans notre pays même si d’aucuns minimisent leur capacité nuisance. « Si certains disent que le chat n’est pas la panthère, ce n’est pas l’avis de la souris », me faisait comprendre mon aïeul.

Malgré les menaces qui pèsent sur le pays, la Médiature reste motus et bouche cousue. C’est un silence coupable, Madame le Médiateur ! Il faut agir. Personne n’osera vous reprocher de jouer votre rôle. Mon papy me rappelait d’ailleurs que « l’orteil est trop loin de l’œil pour le crever.» Est-il besoin de rappeler que la préservation de la paix sociale doit être facilitée par les actes posés par le pouvoir ? Le décryptage du tableau analytique des actes posés par les gouvernants actuels suscite, à n'en point douter, des interrogations au sein de la population et parmi les observateurs de la vie politique gabonaise.

En réalité, le régime ne veut pas de la stabilité du pays. Il s'en sert comme simple slogan à usage de communication aux fins de polir son image auprès de la communauté internationale. « En descendant de l’arbre, le chat-huant avait menti qu’il y grimpait pour tromper la vigilance de la panthère », m’expliquait mon papy. Même si le pouvoir ne veut pas de la stabilité du pays - tout porte à le penser - le Gabon et son peuple en ont besoin.

Le triomphalisme béat et l'enthousiasme naïf doivent enfin faire place à une prise de conscience constructive. L'humilité ne doit pas seulement être réclamée à l'opposition et à la société civile. Elle doit aussi et surtout habiter le pouvoir dont la responsabilité reste grande pour la préservation de la paix au Gabon. Car, lentement mais sûrement, le régime est entrain de créer les conditions d'une implosion sociale et politique. J’en viens à conclure que vous ne traînez encore les pieds parce que le danger n’est pas encore visible. « La gazelle qui n’a pas encore vu le lion a sa manière de courir », m’expliquait mon grand-père.

Il est encore temps d'empêcher l’implosion du pays. C'est pourquoi, je vous implore d'interpeller le pouvoir actuel sur sa responsabilité à créer un environnement propice au dialogue national.

Madame le médiateur, c'est l’occasion d'interpeller également la communauté internationale, les diplomates accrédités dans notre pays et les organisations de défense des droits afin qu’ils jettent un regard attentif sur la situation actuelle. Jouez votre rôle. A votre âge, vous ne pouvez pas vous contenter d’un rôle honorifique ou d’être releguée au garage. « Si l’oiseau est vieux, il doit choisir les branches qui lui conviennent pour s’asseoir », disait mon grand-père.

Jonas MOULENDA
Journaliste
Echos du Nord

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