diogene

Diogene · @diogene

1st Feb 2013 from Twitlonger

[Critique V2] « 6 » (Zones Sensibles) où Sniper, un algorithme, joue les Virgile, nous guidant dans l'enfer glaçant du numérique, du vice humain (avarice, vol, profit…). Dante, donc, n’est pas loin : plus on plonge dans cet univers, plus le temps se resserre à la milliseconde, plus l’espace devient froid, infime où les coups se jouent au dixième de cents pour des profits obèses, obscènes. « 6 » c’est l’histoire d’une chute.

« 6 » c’est la chute et l’échec de l’homme : échec de la régulation, échec de la transparence… et le livre enivre, assomme de références, broie le cerveau du lecteur : implacable machinerie. De la donnée nous voulons et encore plus de données nous recevons… nous croulons, étouffons et nous désirons encore plus : découvrir ce qui se cache derrière ces datacenters, ces câbles, ces fibres… Malgré le faible nombre de pages, 6 est incroyablement dense, lourd, très lourd. Or tout le jeu vicieux de cet ouvrage est là : densité informationnelle contre traitement cognitif humain, entre la rapidité de l’information et la lenteur humaine.

« 6 » c’est Terminator (ou plutôt Skynet) au pays des financiers : monstre avide, un immense trou noir où l’homme ne peut plus avoir sa place et ne satisfaisant jamais l’avidité de ces mêmes financiers. Quelques voix s’élèvent mais la lâcheté humaine ne permet pas beaucoup de soulèvement. Amusant de voir comment la Réserve Fédérale (organisme de surveillance des marchés) utilise les références du film de Cameron… amusant et terrifiant cette déconnexion entre économie réelle et économie virtuelle. Déconnexion ? Pas vraiment car les dérapages (bugs, un lâcher d’algorithme imprévu) ont un puissant impact sur l’économie réelle (le cas le plus récent sans nul doute est celui de Facebook).

Ce livre n’est pas dans la lignée des ouvrages à la D’Agata ou à la Vollmann mais dans celle d’un Grann ou d’un Gourevitch : une écriture qui tient son lecteur, informatif et de qualité (malgré quelques petites choses qu’ils seraient bon d’améliorer : le livre parfait n’existe pas). Ce livre inaugure une forme de « datathriller » pourtant rien d’imaginatif (hormis l’écriture parfois cynique, parfois froide comme une série binaire) : tout est pourtant bien réel et se déroule à chaque milliseconde qui s'écoule, en ce moment même.

6 est un monstre !

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