@temptoetiam C'est dû au mécanisme qu'on appelle les trappes à pauvreté. Face à un personne qui gagne 1000 euros par mois, une personne qui en gagne 2000 n'aura pas un niveau de vie deux fois plus élevé, loin de là.

La personne à 1000 euros par mois aura droit à une gamme d'aides sociales sous conditions de ressources qui seront refusées ou diminuées pour celui qui gagne 2000 euros. Sans mentionner l'accès au logement social.

La personne à 1000 euros par mois, moins que le SMIC, bénéficie de charges sociales allégées car elle est un bas salaire et à temps partiel (dispositif d'aide à l'emploi). Celle à 2000 paye plein pot.

La personne à 1000 euros par mois n'est pas imposable sur le revenu, celle à 2000 paiera 622 euros.

Et pour ce qui me concerne, la justice, la personne à 1000 euros par mois a droit à l'aide juridictionnelle à 70%. En cas de procès, elle n'a pas à payer l'huissier, l'expert, le droit de 35 € (+ 150€ en cas d'appel), et paiera des honoraires très réduits à son avocat. Donc l'accès à la justice se fait à bas coût pour elle. La personne à 2000 euros n'a droit à rien et paiera son avocat plein pot, ce qui peut se monter à plusieurs mois de son salaire, plus l'huissier, plus le cas échéant un expert, plus un droit à 35 euros juste pour voir un juge. Pour info, une victime d'escroquerie qui gagne 2000 € par mois devra payer pour être assistée comme partie civile devant le juge d'instruction puis le tribunal correctionnel dans les 2000 à 3000 euros, somme qu'elle n'a aucune garantie de récupérer. Pour un dossier simple. Si le procès dure plusieurs jours, malheur à elle. De fait, une personne à 2000€ / mois renoncera à recourir à la justice. Ce niveau de revenus est quasi absent des cabinets d'avocat : il n'y a guère que les divorces.

En fait, pour avoir un niveau de vie deux fois meilleur qu'un smicard, il faut gagner, à la louche entre 2,5 et 3 fois le SMIC. Il y a même des caps où une augmentation du revenu aboutit à un appauvrissement net. Léger, de l'ordre de quelques dizaines d'euros par mois max, mais suffisant pour être perçu. Les personnes qui le réalisent le ressentent comme une injustice, peut-on les en blâmer, et quand elles le disent, se prennent un "ta gueule", appuyé d'un "si t'es pas content, t'as qu'à gagner le SMIC", ce qui est un peu court et ne répond pas à leur question, et ne fait qu'aggraver leur sentiment d'injustice (ce qui ne donne jamais de bon résultats dans un isoloir).

En France, depuis des décennies, le diplôme ne sert plus à garantir un revenu confortable, mais simplement à trouver un travail. Tirés vers le bas alors que l'immobilier s'envole, les salaires non-SMIC empêchent des trentenaires d'acquérir un bien immobilier qu'ils peuvent habiter si ce n'est en rase campagne, quand leurs parents habitaient en centre ville.

Sarkozy avait mis le doigt dessus en 2007 et cela explique en grande partie sa victoire (comme la fracture sociale de Chirac en 1995, les deux diagnostics pertinents ayant d'ailleurs eu le même traitement politique par la suite : l'anosognosie). Il n'empêche, le problème est réel, sérieux, durable et devrait préoccuper les politiques. Que ce soit clair : aucun parti politique actuel ne propose de s'attaquer sérieusement au problème. Et la mentalité française argent = caca ne les incite pas à le faire.

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