TARGET2 et les mystères de l'Euro.
TARGET est l’acronyme anglais pour « Trans-European Real-time Gross settlement Express Transfer » ou en français : « système de transfert express automatisé transeuropéen à règlement brut en temps réel ». De quoi s’agit-il ? TARGET est en fait le cœur technique de l’Euro.
Dans un pays donné n’importe quel citoyen peut en n’importe quel point du territoire émettre un paiement sans que celui-ci ne déséquilibre les balances des paiements des différentes régions, puisqu’il n’y a pas de balances des paiements régionales dans une même monnaie.
Prenons un exemple et imaginons qu’un retraité du Limousin achète une voiture produite dans la Région parisienne. Sa banque du Limousin lui accorde un crédit de 15.000 € et le retraité fait un chèque de ce montant au constructeur parisien, qui, lui, a son compte dans une autre banque.
La banque du Limousin doit en conséquence payer la banque du constructeur en monnaie banque centrale quand le chèque lui est présenté en chambre de compensation. Pour ce faire la banque du Limousin emprunte à la banque centrale les 15.000 euros qu’elle transfère à la banque du constructeur. En échange la banque centrale lui demande de mettre en pension un actif, ou « collatéral », et la banque du Limousin lui affecte le contrat de prêt de 15.000 euros.
En se limitant à cette seule opération, la banque du Limousin remboursera la banque centrale au fur et à mesure des remboursements de son retraité, sa marge étant la différence entre le taux de crédit accordé au retraité et le taux payé pour se refinancer auprès de la banque centrale.
Mais ce qu’il y a d’important à retenir est que dans le bilan de la banque centrale, les comptes ouverts par les banques se compensent mutuellement au jour le jour, les débits étant égaux aux crédits, et c’est parce que la monnaie nationale a force de loi, c'est-à-dire qu’il n’y a qu’une seule monnaie, que ce système d’équilibrage est possible, même si la banque centrale détient une créance sur la Banque du Limousin.
Et c’est exactement ce à quoi est destiné le système TARGET : permettre la compensation des transactions bancaires entre les différentes banques des pays de l’Euro. Ainsi, grâce à TARGET les paiements transfrontaliers sont traités de la même manière que des paiements nationaux.
TARGET2 fait suite à TARGET1 et représente une avancée technologique en ce que cette plateforme de compensation des flux de l’Euro est accessible à travers le système de paiement bancaire SWIFT, autrement dit, il est directement ouvert à toutes les banques présentes sur le territoire de l’Euroland.
La plateforme commune TARGET2 est gérée par les banques centrales de France, d'Allemagne et d'Italie pour le compte de l'ensemble des autres banques centrales européennes participantes.
Ceci étant posé, il est intéressant de noter que l’institut allemand de recherche économique IFO a mis en lumière le fait, qu’à travers TARGET2, la banque centrale allemande a accumulé une créance de plus de 300 milliards d’euros en mars 2011 et propose de fixer un plafond aux balances nationales au sein de TARGET2, car si ces balances se compensent au sein de la BCE, ce n’est évidemment pas le cas dans chaque pays, d’où la question du risque de non remboursement de ces balances nationales.
Qu’en penser ? Premièrement, il est impossible de fixer des plafonds aux balances en euros par pays, sauf à mettre fin à l’Euro en tant que monnaie unique, puisque ce qui fonde l’unicité de la monnaie est justement que les dépôts sont fongibles et universellement échangeables, c'est-à-dire que TARGET2 existe sans limitations.
Deuxièmement, même si les flux au sein de TARGET2 ne se résument pas aux opérations commerciales, l’accumulation de balances par la Bundesbank ne fait que traduire monétairement l’excédent commercial allemand à l’égard de l’Euroland, surtout depuis que le « Nord » ne finance plus spontanément le « Sud », ce qui ne fait que prouver que les problèmes des uns sont aussi ceux des autres et que si l’Euroland veut se sauver il faudra bien, qu’on le veuille ou non, se sauver tous ensemble, car depuis que la monnaie est unique ses problèmes le sont aussi.